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BEAUBOURG : THE BLOG (Schoenenbourg)
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15 décembre 2011

Mangez français...

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Alors comme ça, il paraît qu'il faut que l'on produise et que l'on achète français. Bayrou, Sarkozy, Hollande, Le Pen, les candidats entonnent le refrain patriotique pour nous inciter à consommer des produits tricolores.

Alors nous, le doigt sur la couture du pantalon, discipliné comme un commis de brigade dans la grande cuisine, on a décidé de se rancarder pour voir comment fricasser et béqueter «Made in France». On n'a pas été déçu du voyage au Monop' du coin.

Le bœuf d'Irlande et le saumon d'Ecosse.

Faut dire qu'en ce moment, ils ont mis les petits plats dans les grands à l'approche des fêtes. Prenez le rayon fruits et légumes, ce n'est pas un étal, c'est une mappemonde : les champignons viennent de Hollande ; les haricots verts du Kenya ; les courgettes, les concombres et les oranges d'Espagne ; les pois gourmands et les avocats du Pérou ; les cerises et les nectarines du Chili ; l'ananas du Costa Rica ; les giroles des Etats-Unis ; le raisin d'Italie.

Bon d'accord, il nous reste les patates, les carottes, les navets, les clémentines corses, les pommes et poires pour manger français. OK, c'est plutôt répétitif et pas très dépaysant mais on va se réconforter avec un bon steak national. Ah non pas possible, aujourd'hui il vient d'Irlande ; l'agneau, lui, a grandi au pays de Galles. Et n'allez surtout pas lorgner les montagnes de saumons fumés : ils ont été élevés en Norvège et en Ecosse. Méfiance aussi au rayon poisson : les crevettes ont grandi en Equateur, le thon a été pêché dans l'océan Indien et les daurades viennent d'Espagne.

Overdose de navets et betteraves

Heureusement qu'on va pouvoir se consoler avec quelques confiseries : ah zut, les chocolats sont belges, suisses et italiens. Quant au stollen que l'on aime tant, il nous vient d'Allemagne. On l'aura compris : manger sans trahir la mère patrie, ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple, surtout à la morte saison. Il faut beaucoup d'imagination aux fourneaux pour devenir un locavore épanoui qui s'engage à acheter uniquement des produits frais et de saison dans un rayon de quelques kilomètres autour de sa cuisine.

Et l'on en a connu des adhérents tout frais tout beaux d'Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) qui, une fois l'hiver venu, ont rendu leur panier pour cause d'overdose de navets, panais, betteraves et autres légumes des temps moroses.

Alors, de grâce, laissez-nous le plaisir raisonnable d'un ananas, d'une poignée de litchis pour égayer notre frichti sans pour autant aller faire notre marché avec un avion cargo. 

 

Jacky DURAND dans Libération du 14 décembre 2011. Merci à Chimulus pour le dessin.

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